28
Talfaglio apparaissait en plein centre de la verrière du cockpit du Faucon Millennium, un point de feu à trois années-lumière de distance. Cela signifiait que la lumière qui parvenait aux yeux de Han avait été créée trois ans auparavant, avant que les Jedi ne deviennent une espèce menacée et que les Yuuzhan Vong ne fassent tomber une lune sur la tête de Chewbacca. N’étant pourtant pas du genre à s’appesantir sur le passé, Han Solo aurait tout donné pour remonter ce rayon de lumière orangée à travers le temps, pour pouvoir ajouter une personne de plus aux milliers de gens qu’il avait sauvés, ce jour fatal sur Sernpidal. Il était enfin arrivé à ne plus s’accuser – ni lui, ni qui que ce soit d’autre – de la mort de Chewie. Il avait même dépassé le stade où il souhaitait ne pas avoir sauvé qui que ce soit ce jour-là. Il voulait seulement revoir son ami. Il voulait seulement que la galaxie soit aussi sûre pour ses enfants qu’elle l’avait été pour lui, une galaxie où un homme et son épouse pourraient aller se coucher le soir en étant à peu près sûrs de retrouver leur planète en un seul morceau le matin venu.
Mais c’était peut-être trop demander.
Leia, recroquevillée dans le siège de copilote du Faucon adapté à la taille d’un Wookiee, ouvrit les yeux et se redressa. Il n’y avait aucune trace de confusion ou d’incertitude dans ses actions. Elle n’avait pas dormi – pas vraiment – depuis qu’Anakin et son commando étaient partis pour Myrkr. Han non plus, d’ailleurs. Elle passa son harnais de sécurité par-dessus ses épaules et commença à en ajuster les boucles.
Han enclencha des routines de vérification automatique afin de chauffer les circuits du Faucon.
– Qu’est-ce qui se passe ? Tu as senti quelque chose en provenance de Luke ?
– Non, pas de Luke. (Leia ferma les yeux, essayant d’atteindre ses enfants d’une façon que Han ne comprendrait jamais.) D’Anakin et des jumeaux. Ils sont passés à l'action. Ils vont au-devant du danger. (Elle marqua une pause avant d’ajouter :) Tout comme nous, d’ailleurs.
Han tendit la main vers l’intercom, mais se rappela soudainement qui était supposé se charger des canons. Il regarda pardessus son épaule. Comme il s’y attendait, les Noghri se tenaient tranquillement à l’arrière du cockpit.
– Prenez les tourelles. Et dites à C-3PO de s’amarrer à quelque chose, annonça-t-il. On va filer un coup de main à Lando et aux Chevaliers Errants pour cette chasse au yammosk. Donc, dès que Corran nous aura donné le feu vert, ça risque de chauffer.
Les deux Noghri inclinèrent la tête et s’engouffrèrent dans la coursive d’accès. Han les regarda s’éloigner, un petit peu perturbé par cette ombre qui se dessinait dans leurs yeux noirs à chaque fois qu’un combat allait être livré. Mais il était tout de même content qu’ils soient là. Au cours des quinze dernières années, les Noghri avaient sauvé la vie de Leia à maintes reprises, bien plus qu’il ne pouvait lui-même y prétendre. Il n’arrivait toujours pas à comprendre ce qui lui était arrivé à la mort de Chewbacca, il n’arrivait pas à comprendre pourquoi le deuil de son ami l’avait poussé à s’éloigner de Leia et des enfants.
– Rappelle-moi un de ces jours de remercier ces gars, dit-il.
– Tu l’as déjà fait, répondit Leia. Au moins une douzaine de fois.
Han lui adressa un sourire malicieux.
– Ouais, peut-être, mais ils ne répondent jamais « y a pas de quoi » !
Pour la première fois depuis plusieurs jours, Leia éclata de rire. Soudain, la voix de Corran Horn retentit dans le haut-parleur de la console de communication :
– Debout là-dedans ! Nos détecteurs à longue portée ont repéré une flotte d’assaut Yuuzhan Vong en train de pénétrer le système de Talfaglio.
Leia tendit la main et arma la sécurité de décompression de la combinaison de combat de Han.
– J’ai peur, Han…
– Moi aussi. (Han tendit à son tour la main et rabattit la visière de protection du casque de son épouse.) Mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Ils sont adultes, à présent. Ils doivent mener leur propre combat.
Le commandement d’Eclipse était parvenu à affecter des pilotes sur cinquante de ses nouveaux chasseurs Ailes-X XJ3, et plus de la moitié d’entre eux étaient des Jedi. Deux douzaines de Jedi supplémentaires s’occupaient des barges d’assaut et des autres appareils de soutien. Dans la mesure où Luke s’apprêtait à risquer la vie de plus de la moitié des Chevaliers de la galaxie et de la plupart des Maîtres sur une seule opération, il aurait probablement dû être nerveux. Il ne l’était pas. La Force était avec eux tous, se manifestant d’une façon qu’il n’avait jamais éprouvée. C’était une présence si tangible qu’il pouvait presque la voir scintiller contre le velours étoile du cosmos.
Ne rêvasse pas, Skywalker.
La voix de Mara était si claire dans l’esprit de Luke qu’il lui fallut un instant pour comprendre qu’elle ne s’était pas adressée à lui par l’intermédiaire du canal de communication. Il regarda vers l'Aile-X de son épouse, flottant à proximité, son empennage en S touchant presque le sien. Il voulut lui dire qu’il n’y avait pas de raison de s’inquiéter, que, aujourd’hui, Ben ne perdrait pas ses parents. Mais une telle pensée aurait impliqué une vision de l’issue des combats qu’il cherchait délibérément à éviter. Si la Force souhaitait lui montrer le futur, soit. Si ce n’était pas le cas, autant avoir confiance et prendre les choses telles qu’elles se présentaient. Quoi qu’il en soit, lancer cette attaque était la seule chose à faire. Il le sentait bien.
Et moi aussi, ajouta Mara.
Luke souleva un sourcil. Grâce à leur lien psychique, chacun d’eux pouvait en général percevoir ce que l’autre ressentait et il n’était pas rare qu’ils s’envoient des pensées à demi formulées. Mais il y avait aujourd’hui quelque chose de nouveau. Les réflexions de Luke s’étaient à peine matérialisées au niveau de sa conscience que Mara avait réussi à les capter. Peut-être que la présence de tant de Jedi si puissants permettait de concentrer la Force, la focalisant de la même façon qu’un nuage de gaz peut donner naissance à une étoile.
– Je dirais plutôt comme une lentille servant à faire converger les rayons lumineux, dit Mara. C’est certainement en raison de la présence de tant de Jedi, tous braqués sur un seul et même objectif.
– Impressionnant. (Luke ajouta à son commentaire sibyllin une question mûrement réfléchie afin de tester les limites de leur lien mental. Lorsque la seule réponse qui lui parvint fut une vague sensation de curiosité, il annonça à voix haute :) Je me demande si l’ancien Conseil des Jedi arrivait à concentrer la Force de cette manière…
– Ça leur aurait probablement permis d’y voir plus clair pour certaines choses. Peut-être ont-ils découvert des inconvénients à cela…
Luke perçut un rare moment de gêne chez son épouse lorsque l’esprit de Mara passa brusquement du lien mental qui les unissait à quelque chose de plus charnel. Il se retrouva à espérer en même temps qu’elle que personne d’autre n’avait capté cette sensation.
Et si quelqu’un l’avait captée, il eut en tout cas la jugeote de ne pas en faire part.
Souriant à la fois intérieurement et extérieurement, Luke posa les yeux sur son écran tactique et vit la flotte ennemie avancer sur le système de Talfaglio. L’approche mesurée, songea-t-il, n’avait certainement rien à voir avec la peur de rencontrer des mines spatiales ou bien de tomber dans une embuscade. Non. Il devait probablement s’agir d’une méthode destinée à saper totalement le moral des otages en les laissant contempler leur propre destin funeste en train d’avancer inexorablement vers eux. La flotte comprenait quatre croiseurs, un vaisseau de guerre, un porte-skips et vingt frégates. Le vaisseau de transport devait contenir au moins deux cents coraux skippers et les cinq plus gros engins étaient certainement escortés par leurs propres escadrons.
Aie, songea Mara.
Luke n’était pas très inquiet. Les Jedi étaient là pour briser le blocus et permettre aux convois de réfugiés de prendre la fuite, pas pour détruire la flotte. Il y avait cependant un aspect de la mission qui nécessitait une modification. Il demanda à R2-D2 d’ouvrir un canal de communication.
– Ici Fermier. (Son nom de code avait été choisi par Mara.) Opération Passage Protégé toujours prévue, mais je détecte beaucoup d’hostilité pour l’Opération Yammosk. Je répète, Opération Yammosk…
– Une petite minute, Fermier, dit Corran. (En tant que coordinateur de la bataille, il se trouvait à bord du cargo des Chevaliers Errants, le Joyeux Drille, à espionner les canaux subspatiaux pour suivre la progression des senseurs de Talfaglio.) On a de la compagnie, en sortie d’hyperespace.
– De la compagnie ? (Le cœur de Luke ne se serra pas. Rien dans la Force n’indiquait le moindre indice d’embuscade.) Qui ça ?
– Un vieux Rogue, déclara la voix familière de Wedge Antilles.
– Et un vieux Rebelle.
Cette voix était tout aussi familière, mais Luke ne la reconnut que lorsque R2-D2 procéda à un scanner d’analyse et l’identifia comme appartenant au Général Garm Bel Iblis. Luke modifia les réglages de son écran tactique pour les concentrer sur l’espace environnant. Il détecta deux destroyers stellaires qui lui étaient inconnus – et que le transpondeur identifia comme le Mon Mothma et l'Elegos A’Kla – en train de prendre position à l’arrière de la flotte. Chaque appareil était accompagné d’un croiseur et de deux frégates et leurs soutes vomissaient des escadrons entiers d’Ailes-XXJ3 et d’Ailes-E dans l’espace.
– Messieurs, soyez les bienvenus, dit Luke dans son micro. Mais, si je puis me permettre une question…
– On était en pleine mission de patrouille dans le secteur, l’interrompit Bel Iblis.
– Si près de Talfaglio ? (La question venait de Mara. Après toutes ces années passées au service de Palpatine, elle avait appris à se méfier des cadeaux inattendus.) Je ne vous crois pas…
– Un de vos anciens employeurs nous a recommandé cette route, dit Wedge. (Il faisait référence au célèbre Talon Karrde, ancien roi de la contrebande et du commerce de l’information, espion à ses heures. Personne ne pouvait jamais réellement savoir ce qui se tramait sous le crâne de Talon Karrde.) Il nous a suggéré que nous aurions peut-être ici des chances de tester nos nouvelles armes.
– C’est bien possible. (Luke ne prit pas la peine de demander comment Karrde avait pu avoir vent de l’heure et du lieu de leur opération. Karrde protégeait toujours ses sources.) Le commandement va vous exposer le plan.
– Karrde nous l’a déjà exposé, dit Bel Iblis. On pensait vous laisser créer une percée, puis prendre position en tir croisé de part et d’autre du corridor d’évasion. Ensuite, on reprendrait la tête, mais nous ne sommes pas sûrs de la manière dont le nouveau matériel va se comporter…
– Et tout ceci doit apparaître comme une opération montée par les Jedi, termina Luke, devinant les intentions de son interlocuteur. (Il y avait apparemment quelqu’un qui se donnait du mal pour redorer le blason des Chevaliers aux actualités holographiques.) Merci, en tout cas.
– Nous sommes prêts à affecter un escadron pour soutenir les Chevaliers Errants au cours de la mission. Les Rogue, par exemple, proposa Wedge. Il est préférable qu’ils n’apparaissent pas sur les retransmissions de l’HoloNet, de toute façon.
Même si le lien qu’il entretenait avec sa sœur n’était pas aussi fort que celui qu’il partageait avec Mara, Luke sentit une vague de soupçon en provenance de Leia. Toute cette opération commençait à porter la marque de Borsk Fey’lya. Ce qui souleva automatiquement la question de ce que le Chef de l’Etat attendait en retour et des doutes sur l’identité de ceux qui pouvaient être au courant de l’opération. Une bataille toute simple était en train de prendre des allures de plus en plus compliquées. Mais l’offre de Wedge était bien trop généreuse pour être refusée.
– Siffleur ? Qu’est-ce que tu en penses ? demanda Luke. Tu veux toujours essayer de choper ce yammosk ?
– Plus que jamais, répondit Saba. Ce serait même un honneur que de chasser aux côtés du colonel Darklighter.
– Bon, vous deux, arrangez-vous entre vous pour les détails, dit Luke. A tous les autres, vérifiez vos coordonnées de saut et n’hésitez pas à désintégrer tout ce que vous rencontrerez et qui ressemblerait de près ou de loin à un rocher. Contrôle ? Quand vous voulez…
– Ici Contrôle, dit Corran. Transmission immédiate des coordonnées des routes d’évasion de Talfaglio. Escadron Apôtres, hyperespace à mon signal. Trois, deux, un, top !
Les Apôtres de Kyp filèrent en avant dans un éclair de traînées ioniques bleutées et disparurent dans l’hyperespace. Luke changea à nouveau les réglages de son écran tactique pour afficher les environs de Talfaglio. Une minute plus tard, il vit l’escadron pénétrer dans le système et foncer vers les signaux lumineux jaune représentant les appareils Yuuzhan Vong retenant les vaisseaux des otages en orbite. Le puits gravifique de la planète Talfaglio les empêcherait d’émerger en plein champ de bataille, mais Luke savait que Corran avait besoin de quelques minutes pour calculer avec précision l’arrivée de leur propre flotte.
Les Apôtres s’approchèrent du blocus et Kyp ordonna à son escadron de resserrer la formation. Les vaisseaux plongèrent sur le croiseur léger le plus proche. Une demi-douzaine de corvettes Vong abandonnèrent leurs postes pour défendre le plus gros vaisseau et de longues langues de plasma se mirent soudainement à jaillir du croiseur lui-même. Sur l’écran, les Apôtres semblèrent fusionner en un seul et même témoin lumineux et continuèrent d’avancer. Les pilotes tanguaient et viraient comme un seul homme, se remplaçant régulièrement à la tête de la formation pour présenter en permanence un front de boucliers à pleine puissance face à leurs ennemis.
L’escadron de Kyp commença à décocher des rayons laser bleutés sur le croiseur léger. D’autres corvettes ennemies foncèrent alors sur les Apôtres, abandonnant les positions de défense qu’elles occupaient dans le blocus. Jusqu’ici, tout allait bien. Les Yuuzhan Vong semblaient penser qu’il s’agissait encore d’une opération isolée, d’une tentative désespérée de sauver les réfugiés condamnés.
Une paire de torpilles à proton fusa de l’escadron d’Ailes-X et disparut presque instantanément, avalée par les boucliers du croiseur. Il y eut un nouvel échange de laser et de rayons au plasma, suivi d’une décharge de parasites causée par l’explosion d’une bombe furtive Jedi. Il s’agissait d’une variante d’une tactique régulièrement utilisée par Kyp pour faire passer ses torpilles à travers les défenses ennemies. Les bombes furtives étaient en fait des torpilles à proton sans gaz propulseurs et chargées de baradium. Elles étaient équipées de détonateurs standard de proximité et guidées jusqu’à leur cible par le truchement de la Force. Ces projectiles étaient bien plus puissants que les torpilles ordinaires, et difficiles à détecter au cours d’un combat.
L’escadron de Kyp désintégra le croiseur au moyen de deux autres torpilles protoniques, puis traversa en trombe le champ de débris, laissant croire à ses adversaires qu’il s’apprêtait à prendre la fuite. Un flot continu de vaisseaux de réfugiés commença à quitter l’orbite, profitant de la brèche causée par l’attaque. Il ne fallut que très peu de temps aux Yuuzhan Vong pour se ressaisir. Des vaisseaux de patrouille se précipitèrent pour resserrer les liens du blocus.
– Contrôle ? Il est temps de porter l’estocade, annonça Luke dans son micro.
– Bien compris, Fermier. (Corran donnait l’impression d’être gêné à chaque fois qu’il devait prononcer le nom de code de Luke.) Forces d’intervention de la Nouvelle République, escadrons des Shockers et des Sabres, préparez-vous à sauter aux coordonnées qui vous ont été assignées à mon signal.
L’escadron Sabre était celui de Luke. Il était constitué de lui-même, de Mara, de sept vétérans non-Jedi et d’une demi-douzaine de jeunes pilotes Jedi récemment recrutés. Leur mission était de couvrir les actions de l’escadron des Shockers, constitué de pilotes plus expérimentés, pendant que celui-ci s’en prenait à la flotte d’assaut ennemie.
– Trois, deux, un, top !
Luke poussa la commande des gaz et regarda les étoiles s’étirer en longues lignes convergentes.
– Sois prudent, p’tit gars ! lança Han dans son communicateur. On vient juste de finir d’élever trois Jedi. On n’a pas besoin que tu nous en colles un quatrième.
– Han ! C’est…
Le point orange de Talfaglio disparut dans la brume dépourvue de couleurs de la route hyperspatiale et la remarque de Leia fut perdue dans la brusque procédure du saut. Luke sentit la présence de Mara juste derrière lui, occupée à procéder calmement à des vérifications de dernière minute de ses circuits de préchauffage, tout en conservant son attention sur la bataille à venir. Il n’avait pas été nécessaire de discuter de l’utilité de voler côte à côte au combat. Luke et Mara constituaient une équipe à un point que même Han et Leia ne pouvaient comprendre. Et ils avaient constaté à plusieurs reprises que chacun d’eux améliorait ses chances de survie lorsque l’autre était présent.
Le flou hyperspatial s’estompa, les lignes des étoiles se figèrent et Talfaglio apparut par la verrière du chasseur de Luke. Un petit croissant orangé flottant près du disque brillant du soleil écarlate du système. La flottille avait sauté aussi près que possible du puits gravifique de Talfaglio, mais la bataille était encore loin et n’était pour l’instant qu’un faible maillage de rayons laser et de traînées de plasma, illuminant les ténèbres à l’autre bout de la planète. La flotte d’assaut ennemie n’était, pour l’instant, pas encore visible à l’œil nu, mais Luke la repéra très rapidement sur son écran tactique. Certains vaisseaux avaient déjà procédé à un micro-saut, franchissant les lignes Jedi afin de s’attaquer à la route d’évasion empruntée par les convois de réfugiés.
Rigard Matl emmena ses Shockers vers le blocus à une vitesse proche de celle de la lumière, sa tactique d’assaut de prédilection, qui avait donné son nom à son escadron. Les Sabres perdirent suffisamment de vélocité pour assumer leurs positions de défense. L’écran tactique montra les destroyers stellaires de la Nouvelle République en train de ralentir le long de la voie d’évasion des réfugiés. Ils avaient chacun gardé comme escorte une frégate et deux escadrons de chasseurs stellaires à courte portée. Le reste de la flottille fonça vers Talfaglio à la suite des Sabres.
Par sa verrière, Luke vit la bataille grandir, d’un petit assemblage de rayons lumineux jusqu’à atteindre la taille d’une lune, striée de tramées de plasma et d’éclairs de laser. Les vaisseaux du blocus étaient toujours en train de se resserrer autour des Apôtres de Kyp, vomissant du feu sur l’escadron de toutes les directions. Les Apôtres allaient et venaient à l’intérieur du périmètre de combat, partageant leurs boucliers déflecteurs et n’utilisant leurs lasers que contre les grutchins et les missiles au magma. Il n’y avait que neuf Ailes-X visibles. Luke invoqua la Force et repéra les trois pilotes manquants éparpillés sur le champ de bataille, seuls, effrayés, abandonnés dans l’espace dans leurs combinaisons pressurisées. Il ordonna à R2-D2 d’envoyer un message aux équipes de sauvetage et essaya de ne pas penser à ce qu’il adviendrait des malheureux s’ils étaient soudain touchés par un tir de plasma perdu ou une tramée ionisée de réacteur.
Le vaisseau de blocus le plus proche quitta son poste et vint à la rencontre des Shockers. Ceux-ci décochèrent un essaim de torpilles à proton et continuèrent leur progression. Les projectiles atteignirent leurs cibles presque instantanément. Deux corvettes explosèrent, leurs équipes chargées des boucliers n’ayant pas eu le temps de réagir face à l’arrivée des missiles. Huit vaisseaux de plus éjectèrent des cadavres et des débris dans l’espace lorsque les détonateurs de proximité se déclenchèrent juste à côté de leurs coques. Et les Shockers réussirent leur percée. Ils traversèrent la zone défendue par les Apôtres et gagnèrent le versant opposé du blocus en pleine déconfiture.
Luke emmena son escadron dans la faille créée par les Shockers. Ils ne gaspillèrent pas d’énergie à essayer de modifier leurs compensateurs d’inertie. Les basals dovins des corvettes étaient suffisamment costauds pour aspirer leurs boucliers. Deux appareils ennemis se dressèrent soudain en travers de leur chemin. Luke largua une bombe furtive. Il volait beaucoup trop vite pour ouvrir ses ailerons en position d’attaque. Il se servit de la Force pour guider le projectile en direction du deuxième vaisseau. Bien entendu, il n’avait pas eu besoin de dire à Mara qu’elle devait se charger du premier, Luke savait intimement qu’elle emploierait la même tactique. Une seconde plus tard, des détonations simultanées de charges à proton déchiquetèrent les parois des deux corvettes.
Wow ! pensa Mara.
Le basal dovin d’une autre corvette s’agrippa aux boucliers de Luke. Un signal d’alarme retentit dans son cockpit. Mara manœuvra pour rapprocher son chasseur et le protéger, histoire de laisser le temps à R2-D2 d’enclencher les systèmes de secours. Le troisième membre de leur formation défensive, le jeune Tam Azur-Jamin, détruisit l’attaquant avec l’une de ses propres bombes furtives.
– Merci, Silencieux ! lança Luke dans son micro.
Tam fit cliqueter son émetteur, une réponse bien volubile pour ce réticent Jedi au nom de code évocateur, et les trois chasseurs mirent le cap sur la zone où Kyp était encerclé. Des douzaines de convois de réfugiés commençaient déjà à quitter l’orbite de Talfaglio, leur désir forcené de s’échapper leur donnant suffisamment de courage pour traverser le champ de bataille. Se déplaçant toujours à une vitesse proche de celle de la lumière, les Sabres dépassèrent un trio d’Ailes-X appartenant aux Apôtres.
La voix surexcitée de Kyp Durron retentit sur le canal tactique :
– On est juste derrière toi, Fermier !
– Négatif, Chasseur de Tête, négatif, ordonna Luke. (Si Kyp s’était rendu compte qu’il avait déjà perdu trois pilotes, le ton de sa voix ne le trahissait pas.) Tu as déjà perdu trois gars. Reste ici et protège les réfugiés.
– Protéger ? Mais nous sommes les plus expérimentés pour…
– Chasseur de Tête, l’interrompit Luke d’un ton sévère. Tu as tes ordres.
Il y eut un moment de silence et Kyp répondit :
– Bien compris.
La frustration de Kyp flotta un moment dans la Force comme l’odeur acre d’une mauvaise brûlure au blaster. Luke fut troublé par le manque persistant de compassion du chef des Apôtres. Si Kyp devait un jour…
Skywalker ! La pensée de Mara explosa tel un cri dans la tête de Luke. On est en plein combat, là !
Désolé.
Une intuition suggéra à Luke de larguer trois bombes furtives. Il s’exécuta. Il s’abandonna totalement à la Force et le déroulement de la bataille sembla alors continuer au ralenti. Un trio de corvettes à coque noire fonçait vers eux selon trois vecteurs convergents, emplissant l’espace de missiles au magma et de grutchins. Luke continua de voler en ligne droite et sentit une question se formuler dans l’esprit de Mara. La question se transforma en approbation lorsque, détournant une onde de la Force, il envoya un missile au magma frapper un grutchin de plein fouet.
Luke ressentit alors le besoin de protéger sa proue. Il ordonna à R2-D2 de dévier toute l’énergie des boucliers déflecteurs sur l’avant de l’appareil. Une petite tache rouge jaillit d’un des nodules de la corvette la plus proche et, étant donné la vitesse de l’escadron, se transforma rapidement en boule de plasma. Son champ de vision complètement bloqué, Luke ferma les yeux et fit mentalement appel au reste de l’escadron, utilisant leurs perceptions pour guider la bombe furtive jusqu’à sa cible. Par l’intermédiaire des yeux de ses équipiers, il vit l’éclair aveuglant produit par l’explosion de son projectile. Son Aile-X tressaillit lorsque la boule de plasma s’écrasa contre ses boucliers avant.
Luke perçut alors une sensation d’inquiétude dans cette partie de son cœur qu’il allouait à son épouse. La sensation fut bientôt suivie d’un vif éclair de reproche.
La prochaine fois, essaie d’esquiver !
R2-D2 siffla un avertissement et coupa le générateur de bouclier en pleine saturation pour lui permettre de refroidir. Luke se glissa entre Mara et Tam, plus pour rassurer sa femme que pour se rassurer lui-même. Il se sentait tellement investi par sa mission qu’il aurait pu continuer à se battre sans boucliers déflecteurs. Ils traversèrent une zone où dérivaient d’autres épaves de corvettes. Apparemment, Luke n’avait pas été le seul dans son escadron à s’en prendre aux vaisseaux du blocus. Ils gagnèrent les limites du périmètre de l’embargo et suivirent les Shockers de l’autre côté de Talfaglio.
La flotte d’assaut ennemie avança ses frégates pour former un écran de défense, préférant ne pas gaspiller ses coraux skippers, espérant bien les lancer plus tard pour reprendre le corridor d’évasion avant la fin des hostilités. Avec huit escadrons de chasseurs stellaires de la Nouvelle République, deux croiseurs et quelques frégates à ses côtés, Luke chargea sur l’ennemi tout en demandant des tirs de soutien à longue portée.
Les croiseurs et frégates de la Nouvelle République strièrent les ténèbres cosmiques d’éclairs de turbolaser. L’ennemi répondit par des boules au plasma et des missiles au magma. Les escadrons Jedi continuèrent d’avancer, se reposant sur leurs aptitudes à piloter, leur intuition face au danger et leur partage des boucliers déflecteurs pour se frayer un chemin à travers le feu nourri. Deux Shockers firent demi-tour après avoir échappé de justesse à une destruction totale. L’un des coéquipiers de Luke perdit l’un de ses ailerons suite à une attaque de grutchins et fut obligé de s’éjecter dans l’espace. Les Shockers attaquèrent de plein fouet l’écran de protection formé de corvettes ennemies. Et l'Aile-X de Rigard Matl disparut dans une boule de feu. Les Shockers rompirent la formation. Les chasseurs s’éparpillèrent au petit bonheur dans toutes les directions, leurs pilotes complètement déboussolés par la perte soudaine de leur chef. Luke projeta ses pensées jusqu’au cœur de la boule de feu et perçut, l’espace d’un instant, une insupportable sensation de brûlure. Puis il ressentit un calme étrange, une présence familière. Il se concentra sur ce calme si particulier et obtint la confirmation de ce qu’il suspectait déjà : Rigard avait survécu à l’explosion en s’éjectant juste à temps.
Luke voulut transmettre la bonne nouvelle au reste de l’escadron, mais la voix de Rigard, chargée de parasites, crachota sur le canal d’urgence :
– Ressaisissez-vous, Shockers ! (Il semblait blessé, mais confiant.) Vous me faites honte, là…
Sa voix disparut dans un crépitement lorsque la section d’assaut dépassa la portée limitée de l’unité de communication de la combinaison pressurisée. Les Shockers, penauds, se rassemblèrent prestement et s’organisèrent en trois trios de défense avant de reprendre leur avancée. La Force était vraiment avec eux, aujourd’hui. Les Jedi, pour l’instant, ne recensaient aucune perte.
Le noyau dur de la flotte Yuuzhan Vong se trouvait à présent devant eux, une demi-douzaine d’énormes rochers en corail yorik réfléchissant les rayons du soleil écarlate de Talfaglio. Le porte-skips et l’un des croiseurs étaient en train de prendre position juste derrière le principal vaisseau de guerre. Les trois autres croiseurs se placèrent devant lui et larguèrent leurs escadrons de skips. Luke envoya, par l’intermédiaire de R2-D2, les coordonnées du croiseur de poupe aux destroyers stellaires républicains afin de relayer les informations à Saba par canal subspatial. Il brancha alors son micro pour s’adresser aux Shockers et aux Sabres :
– Laissez tomber les skips. Réglez vos compensateurs d’inertie au maximum de leur puissance et foncez au travers des escadrons. Concentrez-vous sur le porte-skips. (De tous les vaisseaux de la flotte d’assaut, l’appareil de transport représentait le plus grand danger pour les convois de réfugiés et les membres des escadrons de la Nouvelle République.)
Laissons-leur croire que nous en avons après le croiseur qui se trouve à gauche, et puis nous déploierons tous nos missiles sur notre véritable cible dès que l’angle de tir sera suffisamment dégagé.
Alors que les équipiers des escadrons renvoyaient leurs messages de confirmation, les croiseurs ennemis apparaissaient déjà, losanges noirs de corail yorik longs comme le bras. Des nuées de boules de plasma jaillirent de leurs nodules et vinrent exploser contre les boucliers des Ailes-X qui ne cessaient d’alterner leurs positions. Les premiers skips plongèrent à leur tour dans le feu de la bataille.
– Séparez-vous en trios, ordonna Luke. Faites tout le nécessaire pour économiser vos boucliers.
La première vague de coraux skippers fut bientôt à portée de tir. Les engins ennemis lancèrent leurs projectiles au plasma et déclenchèrent les perturbations visant à aspirer les boucliers de leurs adversaires. Deux d’entre eux se volatilisèrent en croisant accidentellement la ligne de mire d’un de leurs propres alliés. Les Ailes-X franchirent la barrière initiale, progressant toujours à une vitesse proche de celle de la lumière. Une vélocité bien trop élevée pour permettre aux skips de faire demi-tour et de se lancer à leur poursuite. Les Shockers mirent le cap sur le croiseur de gauche. Le capitaine Yuuzhan Vong engagea son engin dans un virage serré, tentant désespérément de présenter son flanc aux assaillants afin d’utiliser toute la puissance de ses basals dovins et de ses nodules d’artillerie.
R2-D2 informa Luke qu’ils venaient d’arriver à portée de torpilles à proton du porte-skips. Mais le vaisseau de guerre amiral se trouvait toujours entre eux et la cible. Les armes du flanc du croiseur entrèrent en action, emplissant les ténèbres de nuages étincelants d’énergie pure et d’ouragans de feu jaillissant en spirales.
– A tous les trios, rompez les formations ! ordonna Luke.
Il esquiva sur la droite, vérifia son écran tactique, découvrit que le vaisseau amiral protégeait toujours le porte-skips, lui-même en train de mettre le cap sur le corridor d’évasion des réfugiés.
Luke serra les dents de colère, puis sentit une idée germer dans l’esprit de Mara.
– Vas-y, Mara, tu as le champ libre.
– A tous les pilotes, concentrez votre feu sur le croiseur, ordonna Mara. Lancez toutes vos torpilles à proton et retournez à couvert.
Dans la brève période d’hésitation qui suivit l’ordre de Mara, un grutchin s’accrocha à l'Aile-X d’un des Shockers et commença à en dévorer l’aile. Le pilote, un vétéran, fit sauter la verrière de son cockpit et s’éjecta dans l’espace. Le chasseur stellaire explosa.
– Exécution ! gronda Mara.
Les échappées bleues des traînées ionisées de plusieurs douzaines de torpilles fusant vers le croiseur strièrent les deux. Une ligne d’anomalies gravifiques se matérialisa sur le flanc de l’appareil ciblé et engloutit la plupart des projectiles. Mais il fut instantanément évident que les systèmes de défense du croiseur Vong étaient saturés.
Une longue queue de flammes blanches apparut derrière l’un des moteurs du chasseur de Mara. L’Aile-X exécuta un tonneau pour s’écarter du champ de bataille. Luke suivit immédiatement, éprouvant une soudaine inquiétude jusqu’à ce qu’il sente son épouse invoquer la Force. Il comprit alors ce qu’elle était en train de faire.
Belle feinte. La remarque ne venait pas de Luke, mais de Tam, toujours occupé à superviser les boucliers du trio.
– C’est Izal qui t’a appris ça ? demanda-t-il à voix haute.
Oui, songea Mara.
Luke la sentit un peu perplexe à l’idée que Tam était à même de partager leurs pensées.
– Ça fait longtemps que tu écoutes nos conversations mentales à Luke et à moi ?
Le jeune homme leur adressa l’équivalent psychique d’un haussement d’épaules. Ce n’était pas dans mes intentions… Le père du jeune Durosien – le Jedi Daye Azur-Jamin – avait disparu sur Nal Hutta près d’un an auparavant. Depuis ce temps, Tam – jeune navigateur recruté comme pilote de chasseur – avait eu toutes les peines du monde à empêcher les pensées des gens en sa présence de pénétrer son esprit. Il faut dire aussi que, tous les deux, c’était un peu comme si vous étiez en train de… CRIER.
L’échange psychique avait peu duré. Juste assez pour que les salves de torpilles à proton de l’escadron atteignent le croiseur ennemi. Un éclair aveuglant engloutit le trio et l’écran tactique de Luke se couvrit de parasites. R2-D2 s’employa immédiatement à contrer les décharges électromagnétiques de l’explosion.
Le nuage étincelant de Force qui traînait dans le sillage des moteurs de Mara prit soudain la forme d’un immense globe entourant les trois chasseurs.
– Allez, les gars, coupez vos subluminiques.
Luke appuya sur le bouton, ce qui déclencha un sifflement inquiet de la part de R2-D2.
– Tout va bien, R2, expliqua-t-il. Ça fait partie du plan de Mara.
R2 répondit d’un trille très sec. Luke vérifia la traduction sur son moniteur.
– Bien sûr que tu n’es pas au courant de ce plan. Il n’a pas été exposé sur les canaux ordinaires de communication.
R2-D2 émit un grincement dubitatif.
– Fais-moi confiance, R2. Il y a bien un plan.
– Bon, il est temps d’agir, lança Mara. Suivez-moi.
Luke sentit son épouse rassembler les ondes de la Force. Il vit alors son Aile-X, moteurs éteints, s’élever lentement à l’intérieur du globe lumineux. Il la suivit immédiatement et regarda derrière lui pour vérifier si Tam en faisait autant. Mara laissa alors la sphère lumineuse dériver en spirale. Constatant qu’ils avaient réussi à ne pas attirer l’attention des Yuuzhan Vong, elle désintégra mentalement l’anomalie en un éclair final de lumière aveuglante.
Luke releva les yeux et vit qu’ils se trouvaient à moins de mille mètres sous la silhouette bardée de pointes du porte-skips. Des escadrons entiers de skips étaient encore attachés à ses quinze bras de largage. Le grand vaisseau de guerre, toujours en amont du transporteur, ne semblait pas avoir, non plus, remarqué la présence des trois appareils républicains.
Luke voulut féliciter Mara pour sa stratégie, mais elle l’interrompit :
– Tu t’attendais à quoi, Skywalker ? Le subterfuge est ma spécialité.
R2-D2 lança un signal d’alarme et afficha un avertissement concernant les senseurs de leurs adversaires.
– Je sais qu’ils peuvent nous détecter, répondit Luke. Mais cela sèmera la confusion chez eux pendant au moins une seconde. Et une seconde, c’est tout ce dont nous avons besoin.
Mara largua ses bombes furtives, puis invoqua la Force pour les projeter en direction du monstrueux vaisseau. Les projectiles de Tam suivirent juste derrière. Luke était encore en train de lâcher ses propres missiles lorsque se produisit la première explosion, au niveau de l’anneau central du porte-skips.
Danni se sentit soulevée dans son harnais de sécurité. Luttant pour conserver son petit-déjeuner dans son estomac, elle se demanda alors si la révision complète de la barge d’assaut avait été une si bonne idée que cela. Chaque soudure avait été vérifiée par les droïdes de maintenance de la base Eclipse et la structure inspectée par des ingénieurs spatiaux. Wonetun leur avait déclaré qu’il pouvait piloter le lourd appareil aussi facilement que s’il s’agissait d’un chasseur stellaire et avait programmé les compensateurs d’inertie sur quatre-vingt-douze pour cent. Le Brubb lança l’engin dans un virage au vecteur si serré que Danni sentit son sang quitter l’extrémité de ses doigts. Elle ferma les yeux très fort, pensant que ses globes oculaires allaient bientôt jaillir de leurs orbites. Cette révision, ce n’était vraiment pas une bonne idée, songea-t-elle. Quelque chose craqua dans la trappe technique qui se trouvait sous ses pieds. Pas une bonne idée du tout.
Un éclair distant illumina le hublot de proue. Danni rouvrit les yeux et vit les sphères immaculées des explosions de trois torpilles à proton se volatiliser en une fraction de seconde. Les Chevaliers Errants avaient surgi de l’hyperespace bien au-delà du plan orbital de Talfaglio. La barge avait roulé sur elle-même avant de fondre sur la zone de combat, donnant l’impression de plonger la tête en bas. Une autre explosion de proton illumina les ténèbres, détruisant l’anneau central du vaisseau de transport Vong. Les bras de largage, arrachés à la coque, tourbillonnèrent dans l’espace. Des coraux skippers en flammes se mirent à dériver dans toutes les directions.
– Ah, Maître Skywalker. Il a l’air d’apprécier la partie de chasse, dit Saba. (Elle ajusta un collimateur de visée sur son œil et balaya le hublot de proue avant de le braquer sur un croiseur Yuuzhan Vong qui avançait au milieu des débris.) Voici notre petit vaisseau timide, Danni. Vérifions s’il contient bien ce que nous cherchons…
Danni relaya l’information de ses senseurs vers le collimateur. Une douzaine de flèches indiquant des perturbations gravifiques apparurent et se mirent à danser sur l’écran.
– Affirmatif, annonça Danni. Il y a bien un yammosk à son bord.
– Pas pour longtemps, siffla très fortement Saba. (Elle transmit les coordonnées aux Rogue et au reste des Chevaliers Errants.) Voici notre cible. Faites bien attention à son gros protecteur.
Le vaisseau amiral ennemi se trouvait juste devant le croiseur du yammosk, vomissant des salves continues de balles de plasma et de missiles de magma vers la flottille de la Nouvelle République, qui lui coupait la retraite. Heureusement, le Mon Mothma et l’Elegos A’Kla avaient eu rapidement raison du barrage dressé par les Yuuzhan Vong et étaient tous deux en train d’accélérer pour soutenir le reste de la flotte républicaine.
Un torrent de données sautillantes attira les yeux de Danni sur son moniteur holographique.
– Ils nous ont repérés.
Quinze éclats de corail yorik, de forme oblongue, jaillirent du croiseur et vinrent à leur rencontre. Leurs nodules d’artillerie lancèrent du feu de plasma et des missiles au magma dans toutes les directions. Danni eut l’impression que leur appareil venait de plonger à travers une étoile.
Wonetun lança la barge d’assaut dans un tourbillon furieux et suivit le reste de l’escadron dans la bataille. Izal Waz enclencha la mise à feu des quatre turbolasers de sa batterie. Danni empoigna les bras de son fauteuil, essayant d’accompagner du mieux qu’elle pouvait les évolutions démentes que Wonetun imposait à l’engin, heurtant à chaque nouvelle inversion les boucles de son harnais de sécurité. Les flèches des signaux gravifiques de son écran holographique s’affolèrent.
– Préparez les leurres et les missiles à fragmentation !
– Parés !
La réponse venait de provenir à la fois du Faucon Millennium de Han Solo et de la Dame Chance de Lando Calrissian, qui volaient juste derrière la barge d’assaut, l’un au-dessus de l’autre.
– Ailes-X, préparez vos torpilles, dit Saba. Ne visez que le croiseur. Ignorez les skips.
– Chevaliers Errants parés ! annonça Drif Lij dans son micro.
La communication était plus particulièrement destinée aux Rogue, plus qu’à l’escadron de Saba. La Force était si dense que les Chevaliers Errants pouvaient percevoir la détermination de tous leurs collègues pilotes. Les Rogue, eux, devaient s’en tenir à des méthodes de communication plus conventionnelles.
– Rogue parés, confirma Gavin Darklighter.
La voix de Luke Skywalker s’éleva sur le réseau tactique :
– Les Shockers et les Sabres se regroupent sous le croiseur. Nous n’avons plus de torpilles, mais nous émettrons des interférences dès que le vaisseau de guerre commencera à lancer ses skips.
– Merci, Fermier, répondit Saba.
Soudain, toutes les données affichées sur l’écran de Danni tombèrent à zéro.
– Le yammosk s’est calmé. (Elle releva la tête et vit le croiseur en train de virer de bord pour présenter son flanc aux appareils en train de l’attaquer par le haut. Comment pouvait-il disposer d’une puissance de feu supérieure à celle de tous les appareils réunis pour l’attaquer ? Une question à laquelle Danni ne parvenait pas à répondre.) Il va se passer quelque chose…
– Oui. Le vaisseau de guerre est en pleine décélération et il largue ses skips, ajouta Wonetun.
– Nous les avons convaincus de rester et de livrer bataille, dit Saba. (Elle ouvrit un canal sur le réseau tactique.) Ici Siffleur…
– Non, ce n’est pas cela, l’interrompit Danni. (Elle ferma les yeux, faisant appel à une vieille technique Jedi de concentration pour l’aider à mieux analyser ses données, à comprendre comment les éléments s’assemblaient entre eux. Ils se trouvaient trop près de Talfaglio pour exécuter un micro-saut. Avec deux destroyers stellaires en approche pour soutenir les appareils de la Nouvelle République, le yammosk avait dû se rendre compte qu’il n’y avait plus aucun espoir de mettre le cap sur le corridor d’évasion. Elle brancha son propre micro sur le canal tactique.) Ils vont quand même tenter un micro-saut pour s’écarter de la bataille.
Saba tourna un regard très reptilien vers Danni.
– Les Yuuzhan Vong ne détalent pas.
La voix inquiète de Corran Horn s’éleva à son tour sur le réseau tactique :
– A toutes les unités, rompez la formation. (Le Joyeux Drille se trouvait bien au-dessus du plan orbital de la planète, se servant de ses capteurs à longue portée pour superviser la bataille.) Ils vont essayer de vous éperonner au passage…
– Contrôle, donnez-nous une minute, dit Wedge Antilles. Il y a quelque chose que nous aimerions tenter de notre côté. Siffleur, demandez à votre escadron de lancer ses missiles.
Saba n’eut pas besoin qu’on le lui dise deux fois. Elle donna l’ordre. Les cercles brillants d’une vingtaine de tramées de propulsion strièrent les cieux et semblèrent soudain se démultiplier à l’infini lorsque les leurres se déployèrent à leur tour.
Le croiseur termina son virage et commença à accélérer. Toutes les données de l’écran de Danni montèrent vers le maximum et les flèches signalant les courants gravifiques se braquèrent sur la flottille de la Nouvelle République. L’appareil de détection claqua et crépita, émettant alors un nuage de fumée acre, avant de s’éteindre définitivement. Danni appuya sur l’interrupteur d’urgence, mais elle comprit, à l’odeur de circuits brûlés, qu’il était trop tard pour sauver le précieux calculateur. Elle se tourna vers Saba pour répondre à la question qu’elle sentait venir.
– Surtension gravifique. Quelque chose a saturé les circuits.
– Apparemment.
Saba retroussa ses lèvres crénelées et émit un sifflement strident avant de se tourner vers la proue. Wonetun continuait d’exécuter des tonneaux en direction de l’ennemi et le croiseur vers lequel ils fonçaient semblait rebondir d’un bord à l’autre de la verrière du cockpit. L’engin avait cessé de tirer et semblait pivoter autour de l’axe de son étrave. La première vague de missiles le rejoignit. Les traînées ionisées se mirent à converger précipitamment, indiquant que les systèmes de guidage des projectiles modifiaient en permanence les caps de ciblage pour ajuster les trajectoires.
Danni se dit alors qu’il s’agissait d’une curieuse tactique d’esquive venant des Yuuzhan Vong. C’est alors que la deuxième vague de projectiles s’approcha du croiseur sans rencontrer la moindre opposition et explosa contre sa coque.
– Désarmez les missiles ! cria Danni. (Elle se pencha vers l’écran tactique de Saba et se rendit compte que le puissant vaisseau de guerre était en train d’échapper au contrôle de ses pilotes.) Désarmez-les tout de suite, nous risquons de désintégrer le yammosk !
– Tu as intérêt à ne pas te tromper à ce sujet, l’avertit Saba, transmettant immédiatement son code de désactivation. Sinon cette Barabel te dévorera le bras !
Danni eut l’impression que Saba ne bluffait pas.
– J’en suis certaine.
Le croiseur se cassa en trois morceaux et des corps furent éjectés dans l’espace. La salve suivante de missiles convergea vers l’appareil, heurta la coque et n’explosa pas. Danni osa respirer à nouveau. Elle ouvrit un canal de communication avec le Mon Mothma.
– Général Antilles, l’un de vos vaisseaux ne serait-il pas, par hasard, un Interdictor ?
– Cette information est classée secrète, obtint-elle en guise de réponse. Mais nous pouvons imaginer avec une certaine confiance que, dans la situation actuelle, nous souhaiterions bien qu’ils exécutent leur micro-saut…
Pendant que le Général Antilles était en train de répondre, la flottille de la Nouvelle République ouvrit le feu de tous ses lasers sur l’engin ennemi, réduisant ses défenses à néant afin de pouvoir l’aborder. Luke, Mara et le reste des chasseurs de la base Eclipse s’écartèrent de la zone et filèrent vers l’arrière pour escorter les convois de réfugiés jusqu’à la sortie du système.
Maintenant que leurs cibles semblaient inoffensives, Wonetun rétablit la course de la barge d’assaut sur une trajectoire plus rectiligne. Han et Leia, Lando et Tendra, respectivement à bord du Faucon et de la Dame Chance, vinrent se ranger à ses côtés.
Saba se tourna dans son fauteuil pour faire face à Danni.
– On sait maintenant pourquoi ton équipement a explosé ?
Danni hocha la tête. La technologie dite d’Interdiction n’avait rien de très nouveau. Les impériaux s’en servaient déjà pendant la Rébellion pour projeter des puits gravifiques artificiels au milieu de la flotte rebelle afin d’empêcher les appareils de s’enfuir. Ce qui était nouveau, en revanche, c’était que les destroyers stellaires républicains n’étaient pas supposés être équipés des dômes de projection jadis installés sur les vaisseaux Interdictors. En surprenant les Yuuzhan Vong et en faisant coïncider leur attaque avec la tentative de micro-saut de l’adversaire, ils avaient réussi à mettre les deux vaisseaux de guerre ennemis en déroute. Danni ouvrit un canal vers la Dame Chance.
– Parieur ? Vous pouvez envoyer vos droïdes à bord du croiseur ? J’aimerais rapidement savoir s’il reste quelque chose de notre yammosk.
Lando envoya un signal de confirmation.
– Le yammosk est là, Danni Quee, tu peux en être sûre, dit Saba. Instantanément congelé par le froid cosmique et prêt à être embarqué par nos soins. (Elle se frappa la cuisse d’un grand revers de la main et siffla pour une raison que seul un Barabel pourrait comprendre. Puis elle se tourna pour regarder Wonetun amener leur barge juste derrière la Chance et le Faucon.) La Force est avec nous, aujourd’hui.